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Je dépends donc je suis

Plus encore, nous pensons, parce que c’est l’air du temps, et que nous sommes tous plus ou moins formatés par celui-ci, que le contrat qui nous lie à l’État ne regarde que celui-ci et que s’il implique éventuellement notre communauté, quand nous appartenons à une communauté à l’identité prononcée, il ne concerne la communauté en général que selon une espèce d’effet rebond dont on n’évalue pas les conséquences – pour la simple raison que, la plupart du temps, l’on s’en moque. Atomisés individuellement, fracturés en communauté pour certains, rien ne nous intéresse sinon nous sans que par ailleurs nous fournissions l’effort de réfléchir à ce « nous ».

Le bien commun n’est plus à la mode, cet « autre » plus vaste dans lequel pourtant je suis partie prenante – la société n’étant que le terme dérivé de « compagnonnage » – n’existe plus pour celui qui à force de se regarder le nombril a fini par se convaincre qu’il existait seul. De fait, aucune morale, celle-ci impliquant de prendre l’autre et les autres en considération, ne vaut pour celui qui voit la politique comme le lieu de l’affirmation de son identité à l’exclusion de toutes les autres. C’est la tendance libérale, pour la résumer en la caricaturant, à imaginer que l’organisation sociale se construit a posteriori de l’individu. [...]

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Antipop : Wejdene, tu hors de nos vies

S’il est bien une qualité que l’on ne peut que reconnaître à Wejdene, ce n’est pas sa musique, bien entendu, mais le fait d’avoir compris que pour devenir célèbre dans le monde moderne, il ne faut plus une production artistique qualitative, mais se contenter d’être un « mème ».

La nouvelle coqueluche du web, que l’on connaît notamment pour son tube Anissa (près de 56 millions de vues sur YouTube au moment de l’écriture de cet article), ne peut pas se prévaloir d’écrire une musique ou des paroles dignes du moindre soupçon d’intérêt : son instrumentation ferait passer Jul pour Beethoven, et ses paroles sont au niveau de ce que baragouinerait un enfant de CE1 (s’il venait de débarquer avec ses parents d’un pays non francophone). Révélée par TikTok (la plateforme est le nouveau vivier de célébrités : en musique, Lil Nas X en est l’exemple le plus flagrant, même si bien entendu la qualité de sa production est incomparable à celle de Wejdene), la rappeuse de seize ans est en fait la fille de l’artiste tunisien Badra Zarzis (qui est bien loin de connaître le même succès que sa progéniture) et son premier album vient juste de sortir. [...]

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Connery ; Sean, Connery : Hommage au dernier gentleman d’Occident
Il faut vraiment être un affreux boomer pour résumer Sean Connery à James Bond. Certes, il fut le premier à incarner à l’écran le plus célèbre des espions anglais avec James Bond 007 contre Dr No en 1962, et qu’il soit un Écossais fervent indépendantiste qui disait : « Je ne suis pas un Anglais, je n'ai jamais été anglais, et je ne veux jamais en être » nous donnerait presque envie de lever des fonds français pour ériger une statut de l’acteur, en kilt, en plein Trafalgar Square, mais non, Sean Connery n’est pas James Bond. Il l’a été sept fois. Il lui a forgé son image de mâle viril et séducteur en lui offrant ses sourcils en accent circonflexe, son torse brushingué et sa voix d’un grave majestueux. « L’interprétation la plus machiste et violente à l’égard des femmes », twittait un étron EELV... Du temps de Claudine Auger (première James Bond Girl française dans Opération Tonnerre, 1965) et d’Ursula Andress, on appelait ça tout simplement : « un gentleman viril ». Sean Connery n’est pas James Bond même si certains verront un signe dans le fait qu’il disparaisse l’année où le nouvel opus de 007 ne cesse d’être repoussé au point, peut-être, de finir par disparaitre des salles obscures pour les plateformes de streaming. James Bond, c’est Pierce Brosnan. Question de génération et filmographie. Je n’étais pas né quand Sean Connery endossa pour une dernière fois le costume de l’agent anglais avec Jamais plus jamais (1983), et Brosnan n’a jamais rien fait d’autre. Alors que Sean Connery…
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Les critiques littéraires du mois

TOUJOURS CLASSE ET DÉSINVOLTE

Les Démons de Simon Liberati, Stock, 334 p., 20,90 €

Les romans de Simon Liberati sont des objets bizarres, foutraques, scintillants, comme des bijoux monstrueux. Celui-ci replonge en 1967, année qui fascine l’auteur (cf. Jayne Mansfield 1967), peut-être parce qu’il est attiré par les fins-de-siècle, la décadence, et que justement, « les termes “fin d’une époque” semblaient convenir à l’année 1967, pleine d’énergies nouvelles et toujours dans l’urgence des tensions internationales ». La mythologie des sixties se bouscule dans cette comédie extravagante où l’on croise Warhol, Capote, Aragon. Les héros portent des prénoms de conte gothique (Donatien, Taïné), et des noms de roman russe ; ils roulent en Maserati 3 500 GT Sebring, « une des plus jolies berlinettes des années 1960 » – toujours le goût de Liberati pour les petits bolides artistement carrossés, qui foncent. L’intrigue est désinvolte à souhait, sans importance ; on traverse le livre en état de légère ébriété, on le referme avec l’impression d’avoir joué dans un film de Losey. Expérience improbable et chic, avec un petit côté Morand – la vitesse et les fêtes – rehaussé d’accents pop. Bernard Quiriny

TOUJOURS DÉLIRANTE ET VAINE

La Discrétion de Faïza Guène, Plon, 252 p., 19 €

Portrait d’une famille d’immigrés algériens : la mère, 70 ans, « tellement d’amour qu’une centaine de fils et de filles pourraient se le partager », et quatre enfants adultes. Dès le début, le roman tourne au tract. Tract contre la Francequi accueille mal ses immigrés, « douée pour leur confisquer leurs espoirs et enterrer leurs rêves dans des milliers de petits cercueils. » Tract contre la voisine et son gros chien, Kaiser (!). Contre les « éditorialistes et autres polémistes islamophobes à qui on donne la parole pour beugler leur haine la bave aux lèvres ». Contre les fonctionnaires ultramarins qui« n’honorent pas la mémoire de leur admirable compatriote Frantz Fanon ». À un moment, l’une des héroïnes, chez lepsy, raconte un rêve. Elle est au restaurant avec sa mère ; des CRS débarquent, font coucher tout le monde, puis desmilitaires les canardent à la mitraillette. L’un ressemble à Le Pen, « il rigole, il a l’air trop heureux ». Littérairement, çane vaut rien, mais comme document sur le délire de persécution, c’est intéressant. Bernard Quiriny

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Les quatre albums du mois #35

UN REMARQUABLE HOMMAGE

Vari-Colored Songs, a Tribute to Langston Hughes de Leyla McCalla

Élu album de l’année en 2014 par le Sunday Times de Londres, encensé par le Washington Post et le New York Times saluant ses « pensées lourdes traitées avec la touche la plus légère imaginable » : voici la réédition de Vari-Colored Songs agrémentée d’un titre inédit « As I Grew Older –Dreamer ». Au violoncelle, banjo, guitare et voix, Leyla McCalla assume avec maestria des rythmes déterminés, et témoigne de la grâce de Thelonious Monk sur « Heart of Gold ». L’album est le manifeste de vie d’une jeune femme noire haïtiano-américaine et surtout un hommage à la poésie de Langston Hughes teintée du blues et du jazz qu’il découvrit dans les clubs new-yorkais où il écrivait. La proposition ne ressemble à aucune autre. Une pépite. Alexandra Do Nascimento

Vari-Colored Songs, a Tribute to Langston Hughes de Leyla McCalla
Smithsonian Folkways Recordings, 16€

CINÉMA-JAZZ

Le Chat-Brel de Gabriel Bismut et Maurizio Minardi [...]

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Un grand poète réactionnaire

Fuzati n’est pas un auteur de chansons écrites pour se sentir bien, son rap est à des années-lumière du rap gentillet des petits-bourgeois blancs de 2020 et plus encore du rap des cités. Si ses textes ne paraissent pas « engagés », ils sont pourtant des brûlots nihilistes épinglant les horreurs de la vie des trentenaires esclaves du tertiaire et revenus de tout. Finie, la prospérité des enfants du baby-boom, la précarité est désormais partout. En cela, Fuzati est moins un rappeur versaillais qu’un rappeur générationnel.

La génération LinkedIn et start-up est « bolossée » dans les grandes largeurs : « Tas l’air dégueu comme un plateau-repas mais je dois faire avec. Si t’étais pas célibataire tu nous verrais plus que ton mec. Surinvestie comme tous ces gens qui à côté n’aiment pas leur vie. La seule personne que tu vois le soir c’est le veilleur de nuit », dit-il à une de ses collègues de bureau. Ses collègues rappeurs ne sont pas non plus épargnés, ni le mythe de la maison individuelle et les reliquats de convention sociale de l’époque, les plans de carrière et les écrans qui changent irrémédiablement nos rencontres mammifères. [...]

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Place de la comédie : Juste au bord du vertige

La sensualité, l’espièglerie, la passion, la manipulation, la pudeur, l’ironie, le fantasme, l’humiliation, la folie, la tragédie : l’histoire est le moyen de dérouler tout un spectre d’émotions souvent plus fortes au féminin autour d’une intrigue simple et cruelle. Une jeune fille de bonne famille, Else, doit solliciter le prêt d’une forte somme d’argent auprès d’un ami de la famille afin de sauver son père de la faillite et de la prison. On sait que celui-là ne pourra rien lui refuser tant sa beauté le trouble depuis longtemps. Il accepte à condition qu’il puisse, juste un moment, la contempler nue.

De cette prostitution feutrée, où le pire se murmure dans les coulisses du meilleur monde, Schnitzler tire un déraillement tramé d’ambiguïtés. C’est l’une des qualités de la pièce d’avoir préservé la dynamique et le relief de la nouvelle et, à l’ère des #balancetonporc monolithiques et sommaires, de montrer comment la petite Else elle-même est victime de sa propre beauté, fascinée par son image, grisée par les désirs qu’elle suscite. Retour de la complexité et du langage dans une petite salle de théâtre tandis qu’à l’extérieur l’hystérie dégueule ses slogans. [...]

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Luc-Olivier d’Algange, histoire d’une âme

Quelle est cette âme secrète de l’Europe qui donne son titre à votre livre ?

Il n’est rien de plus difficile à définir qu’une âme. Un livre n’y suffit, ni plusieurs. Cependant nous pouvons dire ce qu’elle est, non en soi, mais par ses aspects, ses miroitements, sa splendeur. Comme le temps, dont parle Saint Augustin, dont chacun d’entre nous sait ce qu’il est tant qu’il ne cherche point à le définir ; comme la lumière qui donne à voir, tout en demeurant invisible – mais qui donne tant à voir qu’enfin nous ne voyons plus qu’elle à travers les choses qu’elle nous révèle, l’âme secrète de l’Europe nous apparaît. De leurs dieux, les Grecs du temps d’Empédocle disaient qu’ils étaient « ceux qui apparaissent ». Le génie de l’Europe, son âme, nous apparaît dans les œuvres et dans les fleuves, l’Ilisos du matin profond platonicien, le Rhin des filles du feu, aimées de Nerval et d’Apollinaire, la Garonne dont « la rive exacte » exhaussa le vertige Hölderlin, le Tage, où, par un soir de brume reviendra Dom Sébastien.

Les fleuves, comme les livres, disent beaucoup de l’Histoire et des légendes des hommes qui vécurent sur leurs rives. Il y eut ainsi, comme des scintillements de lumière sur l’eau, de belles épiphanies européennes, qui se sont perpétuées jusqu’à nous dans le secret. Si crépusculaires que soient nos temps, ils détiennent la mémoire de l’aurore. Voyez comme les grands songes passent à travers le temps. La Diotime de Platon revit dans la Diotima qu’évoque Hölderlin dans son Hypérion, puis dans la Diotime du grand roman de Musil, L’Homme sans qualités. Saint-John Perse ravive Pindare. Paul Valéry ressuscite les Géorgiques de Virgile. S’il fallait une représentation de cette âme secrète, c’est dans le cours des syllabes d’or dont Virgile composa son Enéide que nous la trouverions sous l’apparence du bouclier de Vulcain, entre le sensible et l’intelligible. [...]

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