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Armée égyptienne : le gratin cairote

C’était à Gizeh, le 24 décembre 2016, dans les faubourgs du Caire : le maréchal-président al-Sissi, assistant à l’inauguration d’une usine de produits chimiques expliquait que l’implication des forces armées égyptiennes dans l’économie nationale « variait entre 1,5 et 2 % ». Une affirmation rapide et impudente pour répondre aux nombreuses accusations contre le pouvoir économique de l’armée dans le pays, sujet récurrent. Naguib Sawiris, l’homme le plus riche d’Égypte, estime par exemple que l’ins - titution militaire contrôlerait 40 % de l’économie nationale, tandis que Transparency International et le Washington Post avancent le chiffre de 60 %. Les chiffres oscillent entre 5 et 40 % du PIB – ce qui n’a d’autre mérite que d’illustrer la grande opacité qui règne autour du rôle de l’armée égyptienne.

L’institution militaire est présente même là où on l’attend le moins, jusque dans les épiceries : les Égyptiens peuvent ainsi acheter des pâtes de la marque Queen, de l’huile d’olive de la marque Sina, de l’eau de la marque Safi, toutes aux mains de l’armée. Un pouvoir économique immense loin de s’arrêter aux fruits et légumes : ce sont aussi routes, hôpitaux, écoles, sociétés de nettoyage, hôtels de bord de mer qui sont passées aux mains des militaires dans les dernières décennies. Pourrait-il en être autrement alors qu’ils gouvernent le pays depuis 1952 ? [...]

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Triggernometry : l’anglospère sous tous les angles

« L’humilité est l’antichambre de toutes les perfections ». Ce mot de Marcel Aymé résume le principe de Triggernometry, le podcast qui casse la baraque en Angleterre. Francis Foster et Konstantin Kisin, en toute humilité, reçoivent les personnalités les plus susceptibles d’éclairer leur auditoire sur les sujets du moment, l’OMS, le populisme, les drogues, l’intelligence artificielle, l’impérialisme chinois, le post-modernisme, le progrès, la notion de privilège et toutes sortes de thèmes de société à mesure qu’ils surgissent dans l’actualité. Une heure d’interview pendant laquelle le temps de parole de l’invité n’est pas compté. Pas d’interruptions intempestives pour paraphraser ce qui vient d’être dit, ça n’est pas le genre de la maison. Les personnalités peuvent à loisir nuancer leur propos, dérouler leur pensée, revenir sur leur parcours.

Triggernometry est un jeu de mots – un peu alambiqué, convenons-en – entre trigonométrie (l’étude des angles : comprendre de tous les angles de vue, de toutes les opinions) et trigger-warning (expression issue des universités anglo-saxonnes, où un trigger-warning est une alerte qui prévient les étudiants sensibles lorsque des chefs-d’œuvre risquent de heurter leur « identité sexuelle ou raciale », ou les deux). C’est entendu, Francis Foster et Konstantin Kisin se tiennent à distance de l’utopie progressiste. Leur idée du podcast : « Des conversations honnêtes avec des gens fascinants ».

Lire aussi : GB News : au Royaume-Uni, l’écran plat prend du relief

Le décor du studio d’enregistrement, dans l’Est de Londres, est bien connu de leurs 300 000 aficionados (dont 260 000 abonnés à la chaîne Youtube, le nombre a plus que doublé en un an). Sur une affiche, les profils volontaristes des deux hôtes, tournés vers des lendemains qui chantent, surplombent une composition dans le plus pur style du réalisme socialiste. Un autre photo-montage figure Staline, main levée vers le slogan contemporain : « Cancel culture is a myth ». [...]

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Chine : le Grand Bond à gauche

À force de lire le présent au prisme de l’économie, les élites occidentales, enivrées de mondialisation, de libre-échangisme et d’uniformisation culturelle, ont oublié une évidence : la Chine est un État communiste. Ses dirigeants ont réussi là où Gorbatchev a échoué : maintenir les structures politiques héritées du marxisme-léninisme et libérer les énergies du monde économique et social afin d’enrichir une société appauvrie. Le rêve d’un communisme producteur de richesses, d’un socialisme libéral toujours maître de l’économie est devenu réalité. Ce rêve a un visage, celui de Xi Jinping.

La prise du pouvoir de Mao en 1949, rappelons-le, marque la fin du siècle de la honte (1840-1949) qui a vu l’empire du Milieu sombrer dans le chaos et l’humiliation d’être envahi par les Barbares (les Occidentaux) et par un vassal (les Japonais). Avec le Grand Timonier, la Chine retrouva puissance militaire et politique, prestige dans le monde ; une histoire que les jeunes générations connaissent par cœur.…

Le retour de Mao

Si Xi Xinping est, en occident, le visage de la République Populaire de Chine, son épouse, Peng Liyuan, est bien moins connue dans nos contrées. C’est pourtant une superstar dans son pays, qui a contribué largement à la popularité de son époux grâce à ses dons de chanteuse et son bagage militaire. Car Peng Liyuan est à la fois chanteuse de variété et général dans l’Armée de Libération Populaire de Chine. Qui n’a pas eu le plaisir de goûter, durant de longues heures de route à travers l’Empire du Milieu, aux vocalises lyriques de la première dame, imposées par un conducteur patriote, n’a pas encore pris la pleine mesure de ce qu’est la propagande chinoise.

Dans la Chine nouvelle qui se dessine sous le règne de Xi Xinping, nul doute que Peng Liyuan aura encore l’occasion, comme elle l’a fait durant deux décennies, d’apparaître au gala annuel du Nouvel an pour entonner des chants patriotiques en uniforme de général de l’ALP. Car un parfum de révolution culturelle flotte à nouveau sur la Chine depuis que Xi, fils d'un ancien compagnon de Mao Zedong, Xi Zhongxun, a été triomphalement reconduit à la tête de la République Populaire en 2017.

Avec la réhabilitation du maoïsme, on assisterait donc à une nouvelle transformation du pouvoir à Pékin et au retour à un autoritarisme idéologique beaucoup plus marqué

Le 19e Congrès du Parti Communiste Chinois décida, le 24 octobre de la même année, d’inscrire la pensée de Xi Jinping dans la charte du Parti communiste chinois au côté de la pensée de Mao Zedong et de la théorie de Deng Xiaoping. Depuis lors, les écoliers chinois, comme les détenus des camps de rééducation du Xinjiang, sont tenus d’apprendre par cœur les subtilités de la  « pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère ».

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Liban : ma vie parmi les décombres

Le monde d’aujourd’hui est un mille-feuilles de catastrophes qui s’enchaînent. Elles nous giflent le cœur, nous happent la conscience et nous laissent souvent seuls, désemparés face à un quotidien qui devient de plus en plus pesant. Pourtant, on a souvent tendance à banaliser l’ampleur d’un événement tragique dès qu’un nouveau drame vient lui faire de l’ombre.

Il y avait peu de chance qu’une crise puisse voler la vedette au virus. C’est pourtant ce qu’a fait l’explosion apocalyptique survenue dans le port de Beyrouth le 4 août 2020 à 18 h 07. « Beyroshima », surnommé ainsi à cause sa puissance destructrice, fut au cœur de l’actualité mondiale quelques semaines durant. Plus de 200 morts et près de 7 000 blessés, sans parler des dégâts matériels (la moitié de la capitale soufflée) qui ont achevé un pays qui tombait déjà en ruines faute à son gouvernement corrompu, il y avait bien matière à faire la Une. [...]

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Réparer le Liban

Des cartes d’approvisionnement : pour de nombreuses familles comme celles de Kamal, c’est devenu un bien plus précieux que le pétrole. En un an, son salaire a été divisé par dix, comme celui de tous les chefs de famille qui ont encore un travail. « Dans les quartiers chrétiens de Beyrouth dévastés par l’explosion, les gens, traumatisés par le drame du 4 août, sont résignés et n’ont même plus le courage de descendre dans la rue pour exiger de l’État qu’il assume ses responsabilités. D’ailleurs, il n’y a plus d’État », explique un bénévole de Nawraj, une ONG de terrain. Cette organisation distribue des biens de première nécessité, comme des produits d’hygiène donnés par des grandes entreprises après le drame. L’ONG ne dissimule pas son identité chrétienne : contrairement à la politique européenne laïque, la religion occupe une place de premier ordre au Levant.

Le Hezbollah chiite a d’ailleurs mis en place ses propres réseaux, et ses propres cartes d’approvisionnement pour les musulmans touchés. Baptisée « Al-Sajjad », cette carte est délivrée à toute personne disposant de moins de 1 500 000 livres libanaises par mois (environ 105 euros sur le marché noir). « Tous ceux qui sont dans le besoin peuvent faire leurs courses chez nous, quelle que soit leur appartenance religieuse et même s’ils ne sont pas partisans du Hezbollah », assure un responsable de la chaîne. Déclaration sujette à caution, selon les ONG, car cette carte se limite pour l’instant aux familles musulmanes, et le mouvement chiite détournerait une partie de ces marchandises importées vers ses propres troupes. Le sucre, la farine et le savon se vendent à prix d’or dans les supermarchés qui en disposent encore. Et ce, lorsque les distributeurs automatiques ne rechignent pas à lâcher quelques billets. L’ONG Nawraj multiplie les appels aux dons, et pour cause : le gouvernement, pris à la gorge, diminue peu à peu les maigres subventions qu’il donnait aux associations de terrain. […]

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Année zéro

« Le 11 septembre a été l’actualisation d’une schize – sans doute terminale – dans l’histoire humaine. Voici la première guerre mondiale CIVILE. Des appareils civils frappent des tours civiles, des civils détournent des avions remplis de civils pour accomplir leur “mission” purement “symbolique”. C’est l’évacuation du militaire hors de la sphère de la guerre, c’est non pas le choc des civilisations, mais leur disjonction absolue, car “synthétique”, “globale” », écrivait Maurice Dantec.

Un choc. Un cataclysme. Un retour de l’Histoire avec une majuscule. La chute du bloc soviétique annonçait alors une Pax Americana pour mille ans. L’Europe entérinait la paix, s’abandonnant au marché unique et à l’euro qui devait entrer en vigueur l’année suivante. Personne ne parlait du problème de l’islam, hors les cercles informés de géopolitique. Il y avait bien eu quelques soubresauts, notamment en France du fait de la guerre civile algérienne, mais ce sujet ne semblait pas majeur pour le grand public. Bien que placé sur la liste des dix criminels les plus recherchés par le FBI, après des attentats perpétrés contre les ambassades américaines du Kenya et de Tanzanie, Oussama Ben Laden était peu connu. Il n’était pas encore l’ennemi public numéro un, le diable du monde libre.

L'effondrement des deux tours est pour le moment l'image la plus marquante du siècle et le point de départ du grand conflit opposant les vieilles puissances occidentales aux anciens peuples colonisés.

Entre 1993 et 1998, Oussama Ben Laden fut un djihadiste errant. Interdit de séjour dans son Arabie saoudite natale, pays dont la population le considérait comme un véritable héros, il aida les moudjahidines bosniaques et fut soupçonné d’avoir été derrière le premier attentat contre le World Trade Center qui fit six morts. L’homme était même estimé pour son historique combat antisoviétique par les Américains qui aidèrent longtemps les Talibans dans les années 1980. Al-Qaïda ne représentait pas une source d’inquiétude durant cette période où l’Occident crut pouvoir manipuler des combattants salafistes à la détermination sans faille, qui haïssaient en réalité avec la même intensité les deux principaux belligérants de la Guerre froide. [...]

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Législatives marocaines : le pari réussi de Mohammed VI

Dix ans après le « printemps arabe » et l’entrée en vigueur d’une nouvelle constitution marocaine qui ne devait rien ou presque à celui-ci et tout à la volonté royale de moderniser le pays, l’effondrement électoral du parti islamique PJD (Justice et droit) qui avait alors émergé dans les urnes jusqu’à se voir confier le poste de Premier ministre est un tournant important au sein de la monarchie chérifienne. Les islamistes passent en effet de de 125 à 13 sièges enregistrant un recul sans précédent.

Ce sont donc les partis marocains modérés qui ont repris leurs droits à l’occasion du scrutin du 8 septembre : libéraux du RNI (102 sièges), centristes du Parti authenticité et modernité (87 sièges) et nationalistes de l’Istiqlal (81 sièges). La participation électorale est significative, atteignant les 50 % des inscrits au niveau national. Elle est surtout élevée dans les Provinces du Sud (Sahara Marocain), comme celles de Dakhla (58 %) ou de Lâayoune (66 %), retournées au Maroc à la fin des années 1970 après le départ des Espagnols qui occupaient la région. Cette forte participation témoigne selon les observateurs de la normalisation de la situation sur place suite au processus d’autonomie régionale souhaité par le pouvoir central marocain. [...]

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L’Incorrect numéro 73

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