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Michel Houellebecq : prophète de la fin

Michel Houellebecq jouit aujourd’hui d’un statut de supériorité indiscutable dans le paysage littéraire national, au point qu’on a oublié combien de polémiques, sur ses propos comme sur son style, ont d’abord jalonné une irrésistible ascension débutée il y a trente ans. Alors que sort Anéantir, son huitième roman, l’heure du bilan a sonné, et nous avons réuni pour cela quelques écrivains à nos yeux remarquables et également sensibles à leur époque. Michel Houellebecq est-il le plus grand de nos écrivains vivants ? Il est en tout cas « le contemporain capital », pour Christian Authier, critique et romancier qui prépare justement un livre sur l’auteur de Soumission (Houellebecq politique, à paraître en mars chez Flammarion).

Pour Matthieu Jung, auteur du Triomphe de Thomas Zins, l’un des plus grands romans des années 2010, Houellebecq est « un écrivain considérable », quand Alexis Jenni, prix Goncourt 2011, s’interroge : « Faut-il donc le réaffirmer si souvent ? Je suis perplexe, je me demande quelle position est défendue par cette affirmation répétitive : prophétisme ou déni ». Nicolas Mathieu, qui reçut également le prix suprême en 2018, botte en touche, estimant que « la question du grand écrivain relève désormais du folklore » et qu’il a perdu de la puissance dans ses derniers romans, ce que note aussi Pierre Jourde, romancier impeccable et observateur lucide et féroce du milieu littéraire depuis bientôt trente ans. [...]

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Matrix méritait-il une mise à jour ?

Il y a vingt-deux ans, un petit film de genre sur lequel personne n’avait misé un kopeck (à part quelques producteurs de chez Warner au nez creux) sort sur les écrans en catimini. Quelques semaines plus tard, c’est déjà un phénomène de société pour toute une génération biberonnée aux mangas et à l’esthétique cyberpunk. Le premier opus de Matrix, réalisé par deux quasi-inconnus, provoque la surprise générale en réinventant les codes du cinéma d’action. Formidable machine à rêver agrégeant toutes les facettes les plus séduisantes de la pop culture, Matrix constitue un petit miracle industriel qui force Hollywood à se repenser totalement. Entre film de sabre chinois, animation japonaise, science-fiction paranoïaque k-dickienne, culture geek et film noir, ce premier volet fonctionne à tous les régimes pour que les Wachowski se payent le luxe d’interroger candidement les fondements de notre réalité, le tout dans une ambiance cuir et vinyle qui fleure bon l’adolescence mal vécue. Les deux suites (Matrix Reloaded et Matrix Revolutions) tournées dans la foulée, contribuent à installer la patte Wachowski : un cinéma pas forcément très malin mais toujours parsemé de scènes d’action dantesques et de gimmicks métaphysiques réjouissants.

Deux changements de sexe et quelques bides plus tard, les choses ont bien changé pour la fratrie comme dans l’industrie hollywoodienne bégayant désormais sans cesse les mêmes franchises. Alors que les Wachowski avaient longtemps refusé de donner une suite à leur trilogie, on apprend en plein crise sanitaire que Lana Wachowski tourne seule un nouveau volet avec les deux vedettes initiales : l’affable Keanu Reeves et la redoutable Carie-Ann Moss. [...]

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Luzzu : une île parabolique
L’île de Malte et sa langue unique sont les derniers reliefs d’une des plus vieilles civilisations européennes, un port de pêche florissant pendant l’Antiquité où convergeaient les routes commerciales et où dialoguaient toutes les cultures : c’est désormais une région oubliée, un véritable angle mort en plein milieu du monde méditerranéen. Le réalisateur américain d’origine maltaise Alex Camilleri, venu du documentaire, a voulu réparer cette injustice et donner la parole à une des populations les plus précarisées de l’île, celle des pêcheurs traditionnels qui travaillent à bord de leur luzzus, embarcations légères qu’on se lègue de père en fils depuis des générations, peintes de couleurs vives et à qui on attribue volontiers une âme : celle d’une famille, celle d’un métier, celle d’une culture en voie de disparition. Comme leurs confrères du continent, les pêcheurs maltais sont désormais soumis à une législation draconienne de la part de l’Union Européenne, qui les condamne peu à peu à quitter leur métier. [...]
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Alex Camilleri : désordre de Malte

Votre film insiste beaucoup sur la manière dont la politique de l’Union européenne sape les traditions.

J’ai commencé mes recherches des années avant le tournage, en discutant avec les pêcheurs et en leur demandant ce qu’ils avaient en tête. Et il n’a pas fallu longtemps pour que je me rende compte à quel point les normes européennes avaient bouleversé leurs vies. Il faut savoir que beaucoup d’entre eux ont pratiqué ce métier toute leur vie, dans leur famille et ce depuis des générations. Et lorsque Malte a rejoint l’UE, les pêcheurs ont soudainement dû passer du monde de la mer à un monde de papier, à un monde de bureaucratie sans fin. Ç’a été une rupture radicale qui a donné lieu à de nombreux drames familiaux. Les pêcheurs doivent désormais documenter chaque poisson qu’ils attrapent, rejeter les poissons non conformes, même s’ils sont morts, et tout relater dans des journaux de bords extrêmement précis. Les lois sont parfois ubuesques. J’avais une vision innocente de la pêche avant de me lancer dans mes recherches, jusqu’à ce que je réalise que les réglementations, le changement climatique, le gouvernement, les autorités locales, mais aussi les forces du marché conspiraient ensemble pour changer la vie des pêcheurs. Et cela s’est produit en l’espace d’une demi-génération.

Quel est votre rapport à la culture maltaise ?

Mes parents ont émigré de Malte peu avant ma naissance aux États-Unis, mais nous avons gardé des liens étroits avec l’île, et nous y retournions souvent. Alors que je grandissais entre deux mondes, mon cœur et mon imagination revenaient toujours à Malte. J’ai toujours voulu raconter des histoires sur l’île, notamment parce qu’il n’y avait pas vraiment d’autres films maltais. Avec Luzzu j’ai simplement essayé de faire le genre de film que je voulais voir, une représentation cinématographique de Malte, en évitant les clichés touristiques et en restant au niveau de la rue, comme si vous étiez un citoyen vivant sur l’île. Je n’avais aucun lien avec la pêche, et d’ailleurs j’ai toujours été enclin au mal de mer, mais j’étais fasciné par le monde de la pêche traditionnelle, simplement à cause de ces magnifiques bateaux et de ces hommes qui ont une sorte de force surhumaine, presque mythologique. En tant que spectateur, cela me semblait riche visuellement et culturellement. Et puis, j’ai pu faire le lien avec mes parents, qui eux aussi en tant qu’immigrés ont dû choisir quelles parties de leur héritage ils devaient garder ou pas, or c’est exactement ce qui se passait avec cette génération de pêcheurs. [...]

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Marché noir : bâclé
Trois corps sont retrouvés dans l’abattoir où travaille le père d’Amir, en Iran. Ce dernier l’aide à les cacher malgré ses réticences, et se retrouve vite engagé dans un trafic de dollars organisé par le patron des lieux, alors que les proches d’un des morts mènent une enquête de plus en plus intrusive. Il y a du bon dans ce thriller iranien, qui installe une ambiance angoissante en exploitant l’imaginaire de l’abattoir. L’étau se resserre petit à petit autour du personnage principal, interprété par un acteur dont le jeu sobre correspond parfaitement à l’atmosphère minimaliste du long-métrage. [...]
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Don’t Look Up, ou l’anti-satire par Netflix

Il faut toujours se méfier des choses qui font l’unanimité. En particulier lorsqu’elles viennent de Netflix. Et en cette fin d’année, il était difficile de trouver quelqu’un pour tempérer la qualité du « film de Noël » proposé par le géant du streaming : à gauche comme à droite, on salua l’impertinence de Don’t Look Up, on s’étonna même qu’une entreprise comme Netflix se permît de brosser ainsi les malséantes passions de son époque… et la plupart des journalistes média de ressasser sans vergogne les éléments de langage du dossier de presse… pourtant, quoi de moins irrévérencieux qu’une personne qui clame partout son irrévérence ? Il en est de même pour ce petit film mal fagoté, mal filmé, qui ressemble davantage à une série télé ou à une gigantesque bande-annonce à la gloire du parti Démocrate. Dans ses meilleurs moments on pourrait croire à un épisode géant d’American Dad ou de Family Guy, les deux dessins-animés culte de Seth MacFarlane, autre grand pourfendeur de l’Amérique white trash.  Si on pardonne à ce dernier ses outrances potaches et ses gros sabots, c’est d’abord parce qu’il n’est pas réalisateur, mais bien showrunner de dessins animés destinés aux jeunes adultes, et dont les épisodes dépassent rarement les 25 minutes. Pour un film qui dépasse les deux heures, le message anti-populiste demandait à minima quelques nuances, éventuellement un exercice d’équilibriste capable de questionner le point de vue. Il n’en est rien.

La satire pour les nuls

Dans Don’t Look Up, tout est souligné, exagéré, avec en plus une palanquée de métaphores grossières et un message environnemental stabyloté à outrance. Dans un futur proche où les Etats-Unis sont dirigés par une sorte de néo-Sarah Palin (Meryl Streep, rien à signaler), deux astronomes du Michigan font la découverte d’une comète qui risque bien de percuter la Terre et de provoquer notre « extinction de masse ». Las, dans un univers saturé par les informations et par les réseaux, leur message d’alerte ne prend pas et divise peu à peu l’Amérique en deux clans : les uns tentent de sensibiliser à la fin du monde, les autres ont le nez dans leurs chaussures et dans leurs pulsions bassement matérialistes… le symbole du bon vieux clivage entre platoniciens et adeptes d’Aristote ?[...]

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La main de Dieu : Sorrentino intime

Quel sentiment étrange d’assister à un hommage au cinéma, le vrai, celui « qui ne sert à rien mais qui distrait de la réalité parce que la réalité est minable », comme nous le rappelle Sorrentino dans la bouche de Fellini, sur Netflix et un vulgaire écran de TV. Comme un vidéoprojecteur, une télévision n’est pas et ne sera jamais une salle obscure, l’image ne vous happera jamais de la même manière et l’algorithme ne saura jamais se substituer au désir. Le meilleur cinéma tient de la rencontre amoureuse, où un auteur dévoile son âme à une inconnue, or Netflix et les autres plateformes ne proposeront jamais, en comparaison, que l’équivalent d’un plan cul sur Tinder. Avec La Main de Dieu, le grand Sorrentino (le réalisateur de La Grande Belleza et du Young Pope) cède donc aux biftons des géants du streaming, après Martin Scorsese, Alfonso Cuarón et les frères Coen.

Lire aussi : Tromperie : Desplechin en mode mineur

Introspection d’un fellinien

Pour les néophytes du ballon rond, « La Main de Dieu » évoque ce but marqué par Maradona de la main lors du quart de finale de la Coupe du monde de 1986, face aux Anglais, un début d’après-midi à Mexico. Mais pour Sorrentino, cette Main de Dieu se révèle plus mystérieuse, à la fois miraculeuse et tragique. Lui, l’héritier de Fellini, le dernier cinéaste baroque qui sache faire valser le sublime avec le vulgaire, s’essaye à l’introspection. Un regard dans le rétroviseur touchant et passionnant qui nous fournit au détour quelques clés pour sous-titrer son œuvre. Nous sommes à Naples, en 1984, et Fabietto Schisa, adolescent mal dans sa peau, vit au sein d’une famille excentrique. Son quotidien est soudain bouleversé, lorsque Diego Maradona, légende planétaire du football, débarque à Naples et le sauve miraculeusement d’un terrible accident. Cette rencontre inattendue avec la star du ballon rond sera déterminante pour l’avenir du jeune homme. Il a beau appeler son jeune héros Fabietto, on comprend vite que ce jeune gamin aux cheveux bouclés et anneau à l’oreille n’est que son reflet dans la caméra. [...]

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Éditorial culture de janvier : Résolutions

– Ne plus traiter mon voisin de « puceau inculte » parce qu’il récrimine contre le volume sonore auquel je hausse les morceaux de Poni Hoax à minuit pour faire face à la baisse de tension hivernale. 

– Cesser de prendre de haut les artistes auto-proclamés d’avant-garde au prétexte que toutes leurs boutades ont déjà été accomplies pour de rire il y a un siècle et qu’ils n’ont même pas l’audace de se tuer. 

– Apprendre à m’extasier avec Augustin Trapenard devant toute banalité à la mode, surtout si cette mode est aussi récente qu’éphémère et cette banalité bien conne, ce qui constituerait une assurance de passer l’essentiel de mon temps dans un état de béatitude induit par une somme effarante de micro-orgasmes tels que doivent en vivre à répétition les êtres en accord avec la vulgarité de leur époque. 

Ne plus me moquer d’Édouard Louis, ne plus le traiter de « Tintin prognathe »

– M’intéresser à la littérature de la francophonie. …

L’Incorrect numéro 75

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