

Il fut « le Français par excellence » (Voltaire), « le Dieu de la conversation » (Sainte-Beuve), « l’homme le plus admirablement doué du dix-huitième siècle » (Barbey d’Aurevilly). Il fut l’astre qui illumina les salons parisiens comme Louis XIV à Versailles ; le sommet de distinction qui joignit l’art de la conversation à celui des bonnes manières, la maîtrise de la langue à celle de la pensée, la force du jugement à celle de la concision ; le causeur de génie qui piquait le monde de ses flèches trempées d’humour, de grâce ou d’ironie. En ce tumultueux siècle, Antoine de Rivarol, petit-fils d’immigré piémontais et fils d’aubergiste à la particule usurpée, promis à la prêtrise en Avignon mais monté à Paris dès sa vingt-troisième année, architecte de son ascension sociale à la seule force de son intelligence, vainqueur en 1784 du prix de Berlin pour son Discours sur l’universalité de la langue française qui démontrait sa supériorité (pour son ordre et sa clarté) sur toutes les autres langues, et qui rendait par-là hommage à cette arme dont la parfaite maîtrise avait fait sa renommée, Antoine de Rivarol, disait-on, était promis aux gloires de ce monde. [...]

22 janvier 2025
Pourquoi la Commune de Paris demeure-t-elle révérée, de gauche à droite, alors qu’il est d’usage de mépriser les « Versaillais » ?
Cela s’explique par l’ampleur du carnage final, perpétré par l’armée Thiers et Mac Mahon. Si l’on ne peut qu’être saisi d’horreur et d’indignation devant la répression de dix mille hommes, femmes et adolescents, devant les cours martiales bâclées et les haines réciproques, tout cela a entraîné un abandon de l’esprit critique vis-à-vis de la Commune. Les extrêmes gauches ont créé un totem qui triomphe d’autant plus aujourd’hui que les historiens classés à droite se sont rarement penchés sur ce sujet. Inversement, les « Versaillais » sont rejetés dans les ténèbres de la honte. Selon les cas, on y mêle les députés (élus en février1871), le gouvernement de Défense nationale, avec Thiers à sa tête, l’armée, mais aussi les bourgeois, les « ruraux », les curés, les rentiers, les fonctionnaires. La binarité (gentils contre méchants) est le résidu d’une mémoire longue à propos d’une guerre civile dont la honte fut partagée. [...]
Cela s’explique par l’ampleur du carnage final, perpétré par l’armée Thiers et Mac Mahon. Si l’on ne peut qu’être saisi d’horreur et d’indignation devant la répression de dix mille hommes, femmes et adolescents, devant les cours martiales bâclées et les haines réciproques, tout cela a entraîné un abandon de l’esprit critique vis-à-vis de la Commune. Les extrêmes gauches ont créé un totem qui triomphe d’autant plus aujourd’hui que les historiens classés à droite se sont rarement penchés sur ce sujet. Inversement, les « Versaillais » sont rejetés dans les ténèbres de la honte. Selon les cas, on y mêle les députés (élus en février1871), le gouvernement de Défense nationale, avec Thiers à sa tête, l’armée, mais aussi les bourgeois, les « ruraux », les curés, les rentiers, les fonctionnaires. La binarité (gentils contre méchants) est le résidu d’une mémoire longue à propos d’une guerre civile dont la honte fut partagée. [...]
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17 janvier 2025
En 2008, Vuibert, éditeur pédagogique, publie la traduction d’une bande dessinée passionnante, Logicomix, sur un sujet curieux : l’histoire des fondements mathématiques, autrement dit la crise des mathématiques de la fin du XIXe siècle au début du XXe. Le livre, écrit et dessiné par une équipe grecque réunissant entre autres un romancier et un universitaire, deviendra un phénomène d’édition et se vendra, toutes éditions confondues, à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. C’est un filon : Economix sort en 2012 (et en est à sa sixième édition), Geostrategix (Pascal Boniface) en 2022, chez Dunod. En octobre 2021, Dargaud publie Le Monde sans fin, un album de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici sur la crise énergétique, déjà écoulé à un million d’exemplaires en France, à la grande fureur des antinucléaires. Histoire de Jérusalem, sorti en 2022, a atteint les 300 000 exemplaires : entre des pavés historiques arides sur le Proche Orient et 256 pages colorées, le grand public a choisi. Défaite de l’intelligence ? Ou triomphe de la pédagogie ? [...]
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14 janvier 2025
Le moderne aime les chiffres et mesure tout – c’est même à ça qu’on le reconnaît. Et pour cause, tout son monde est bâti sur l’empire du chiffre, depuis la construction de l’État, qui doit beaucoup à l’essor des sciences camérales, jusqu’à la démocratisation des sociétés, incarnée au quotidien par les enquêtes d’opinion et sondages, sans parler de l’encodage algorithmique de nos comportements par les nouvelles technologies. Conséquence : il n’est plus désormais un domaine de la vie sociale pour lequel on ne dispose d’une batterie de chiffres. [...]
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23 décembre 2024
Décembre s’ouvre par la réouverture d’un chef-d’œuvre gothique et finit par le déferlement de plastique sous les sapins – aussi s’agit-il de l’occasion idéale pour relire William Morris, autre géant de l’Angleterre victorienne qui forme comme un triptyque avec Thomas Carlyle (L’Incorrect n° 72) et John Ruskin (n° 80). Romantique exalté bien qu’issu d’un milieu puritain aisé (sa fortune lui permettra de financer ses activités), Morris étudie la théologie à Oxford, jusqu’à ce qu’une rencontre avec Edward Burne-Jones le détourne de l’état clérical – il perdra bientôt la foi. Les deux hommes partent à la découverte des cathédrales gothiques du nord de la France, et voilà Morris qui se lance dans l’architecture, devenant l’élève de George Edmund Street, figure du renouveau gothique. Mais très proche de la Confrérie préraphaélite (Burne-Jones s’est placé sous le patronage de Rossetti), il s’essaye ensuite à la peinture, puis s’essayera encore à la littérature, rédigeant des poésies (voir les 40 000 vers de The Earthly Paradise), des histoires fantastiques et des traductions (allant de L’Odyssée à plusieurs sagas islandaises). [...]
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19 décembre 2024
Dans De l’Esprit des lois, Montesquieu distinguait la loi et les mœurs : il y a d’un côté les institutions formelles du législateur, et de l’autre celles plus incarnées de la nation. Inlassable archéologue de la démocratie française, l’historien Pierre Rosanvallon propose dans un nouvel ouvrage d’y ajouter une troisième dimension : les « institutions invisibles », que sont la confiance, l’autorité et la légitimité. Plus psychologiques, interactives et instables que les autres, de l’ordre du moral des sociétés dont elles incarnent la face vivante, ces institutions aussi insaisissables que fondamentales ont une double fonction : organiser le commun et produire du temps social. « Ces institutions invisibles sont les plus efficaces des moyens de gouvernement en même temps qu’elles peuvent exprimer, lorsqu’elles font défaut, les oppositions les plus sourdes et constituer les résistances les plus insurmontables. » Toute notre crise politique est là, et voilà notre ponte de la social-démocratie, professeur au Collège de France et directeur d’études à l’EHESS, embarqué sur une pente aux fortes potentialités antimodernes – car on touche là à des processus souterrains fort peu malléables. [...]
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17 décembre 2024
Il est quelques rares livres dont la lecture vous fait l’effet d’une révélation – comme si vous aviez dû deviner à tâtons les traits élémentaires d’une pièce plongée dans le noir, jusqu’à ce qu’un inconnu surgisse pour allumer la lumière, vous faisant découvrir l’ampleur des volumes autant que la préciosité du plus petit ornement. « Le choc contre un livre intelligent nous fait voir des milliers d’étoiles », résumait Gómez Dávila. C’est à peu près l’effet que fera le nouvel ouvrage de Marcel Gauchet aux lecteurs qui oseront s’y frotter. Car Le Nœud démocratique est un texte racé, à la fois richement écrit, densément construit et subtilement conduit, dont il vous faut traquer la narration pour qu’aucunes idées, nuances et distinctions, toutes lumineuses, ne vous échappent. Un texte qui se suffit à lui-même, sans l’avalanche de notes et citations de ceux qui veulent prouver leur érudition – ici, la hauteur d’abstraction suffit à dire le sérieux, la profondeur et l’ampleur de la démarche, en même temps qu’elle nous condamne ici à un résumé forcément grossier. [...]
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16 décembre 2024
Lucide et minutieuse, votre démarche est animée par un fond d’optimisme mesuré mais sincère. Pensez-vous que nous Français voyons les choses plus noires qu’elles ne le sont ? [...]
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L’Incorrect numéro 85
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